Rapporter des observations de requins ou de raies, surveiller l’état de santé de coraux, ou encore compter des lucioles: autant d’activités qui composent les Sciences Participatives dans les Outre-mer. Les citoyens ultramarins participent à l’aide de ces programmes et à l’instar de leurs compatriotes hexagonaux, à une meilleure compréhension de la biodiversité française.
Et l’enjeu est de taille ! Au moins 80% de la biodiversité française se situerait dans les territoires d’Outre-mer ! Un premier panorama, permettant l’inventaire et la caractérisation de ces activités de sciences participatives, vient d’être publié. Quelques 145 programmes de sciences participatives ont été identifiés. Nous vous proposons, ici, une synthèse de ce panorama pour en exposer les principales caractéristiques, mais aussi, les enjeux, difficultés et opportunités, liées au déploiement des Sciences Participatives dans les Outre-mer.
Qu’est-ce que les sciences participatives ?
Les sciences participatives sont définies comme une forme de production scientifique à laquelle des citoyens, qu’ils soient naturalistes, ou simples amoureux de la nature, écoliers, ou encore retraités, participent de manière active . Les programmes de sciences participatives sont un moyen d’acquérir des données sur des espèces de faune, de flore et même de fonge, très utiles aux chercheurs pour répondre à des questionnements scientifiques. Elles permettent aussi aux citoyens de développer leurs connaissances sur la biodiversité en général et les moyens de la préserver.
Simples et accessibles au plus grand nombre, les données de base nécessaires pour valider une observation de sciences participatives sont : la date, l’heure, la localisation, si possible le nom de l’espèce, parfois aussi, une photo.
Depuis une décennie, dans tous les territoires ultramarins, on observe un véritable essor des programmes de Sciences participatives.
Où retrouve-t-on les programmes de sciences participatives ultramarins ?
Quelles sont les caractéristiques d’un programme de Sciences participatives dans les Outre-mer ?
Les porteurs
Les structures porteuses sont, à une écrasante majorité, des associations, même si l’on peut également retrouver des gestionnaires d’espaces naturels, des établissements publics et de recherche, des services de l’Etat (surtout intéressés par les Espèces Exotiques Envahissantes, pour ces derniers).
Les thèmes
61% des programmes enquêtés portent sur le milieu marin, principalement sur la protection des tortues marines, l’observation de mammifères marins ou bien de raies et requins, mais aussi la surveillance des récifs coralliens. On trouve également des programmes terrestres permettant par exemple l’observation d’insectes et d’araignées, ou bien encore, la signalisation de déchets encombrants la mangrove. 4 programmes seulement, sur l’ensemble enquêté, portent sur la flore.
Des programmes locaux
La majorité des programmes sont issus d’initiatives locales. On trouve dans une moindre mesure des programmes adaptés de l’hexagone, comme les programmes de suivi des oiseaux « STOC », ou certains réseaux d’échouage.
Le financement des programmes
Ce sont les services de l’Etat qui permettent de financer le plus de programmes, même si certaines associations parviennent à faire vivre leurs programmes sur fonds propres.
Le public cible
La moitié des programmes enquêtés concerne un public large, cependant, étant donné qu’une grande partie de ces programmes porte sur le milieu marin, les usagers de la mer (souvent les plongeurs sous-marins) sont particulièrement sollicités.
On note également que la plupart des observateurs et bénévoles proviennent de France hexagonale. Appelés "métropolitains" dans les Outre-mer, ils s’installent pour raisons professionnelles dans un territoire ultra-marin, pour une durée courte, allant souvent d’une à cinq années.
Le type d'observations
Une majorité des observations est faite de manière opportuniste et en autonomie. Les programmes qui utilisent un protocole scientifique ne représentent que 33% de l’ensemble enquêté.
Les sciences participatives dans les outre-mer : forces, faiblesses, menaces et opportunités
Les forces
Des données parfois uniques ! Pour certaines espèces protégées, rares ou méconnues, les observations permettent de compléter des jeux de données déjà existants ou sont même parfois la seule source d’informations.
Des espèces à fort capital sympathie : raies, tortues, oiseaux endémiques rares… S’intéresser à certaines espèces emblématiques, parfois mystérieuses, est un véritable atout pour les programmes qui y sont dédiés et qui deviennent par ce biais, bien plus attrayants pour le public.
Les faiblesses
L’absence ou le peu d’animation de réseau ! Il faut des moyens pour garantir une animation solide et continue, qui permette aux observateurs d’avoir des retours sur leur implication et qui mette en confiance les membres du réseau. Les difficultés d’animation peuvent aussi entraîner des manques en termes de communication : les programmes et structures ne se font pas assez connaître et donc restreignent leur utilisation, de fait, à un nombre de participants limité.
Une assise scientifique parfois trop légère. Les données opportunistes peuvent être une source d’informations intéressantes, cependant, le manque de rigueur scientifique du processus peut restreindre leur utilisation et leur valorisation. Il peut être intéressant de proposer de mettre en place différents niveaux d’observation, ou bien d’appliquer un protocole léger, mais validé scientifiquement.
Les menaces
Peu de financements dédiés. Beaucoup de programmes fonctionnent sans budget dédié ou en utilisant une petite partie de subventions acquises pour d’autres projets. L’interruption d’un financement, même temporaire, implique l'arrêt de suivis et donc une rupture dans la saisie des données, ce qui fragilise leur valorisation. Aussi, dans de petits territoires, l'attribution de financements peut vite devenir une affaire personnelle, faite de connivence ou de frictions, tant sont fortes les interconnexions entre acteurs associatifs et institutionnels.
Des programmes particulièrement affectionnés par les métropolitains ? Ce sont eux, caractérisés par leur mobilité, que l’on retrouve principalement comme observateurs ou bénévoles. Cette situation peut remettre en question la pérennité de structures associatives et même influer sur les relations avec les partenaires institutionnels (équipes territoriales, gestionnaires d’espaces naturels) eux-mêmes soumis à ces mouvements de personnel.
Les opportunités
Développer des outils communs : plateforme commune, base de données en ligne… une proportion non négligeable des données issues de sciences participatives dans les Outre-mer n’est pas suffisamment valorisée. Mettre en commun et standardiser les données serait pertinent pour en faire un usage scientifique et constituerait une opportunité de valorisation supplémentaire des programmes.
Etendre l’aire d’un réseau à l’échelle régionale : en adaptant des programmes à différents territoires (même internationaux) et en homogénéisant les protocoles, lorsque c’est faisable, il serait possible d’obtenir des tendances et des indicateurs régionaux (notamment pour les espèces migratrices).
Conclusions et recommandations principales du rapport
L’étude conclut qu’il serait pertinent de développer et promouvoir des programmes qui visent à sensibiliser la jeunesse des territoires ultra marins. Bien que les jeunes et scolaires soient très représentés dans les Outre-mer, il n’existe pas beaucoup de programmes qui permettent à ce public d’aller sur le terrain, de mettre la tête sous l’eau, d’observer la nature et de se questionner sur son environnement.
De plus, parmi les actions promouvant la protection de la nature et qui fonctionnent très bien dans les Outre-mer, on trouve les opérations de ramassage de déchets. Ce type d'action remporte un vrai succès auprès de tous les publics (locaux, métropolitains, touristes). Il serait pertinent de s’adosser à ce genre d’activité pour promouvoir des programmes de sciences participatives et d’acquisition de connaissances sur la nature.
Enfin, favoriser l’interconnaissance des acteurs et des programmes sur un territoire et encourager une dynamique de structuration en réseau, permettrait d’élaborer une vraie réflexion sur la création de méthodes et outils communs. Cela faciliterait également le dialogue avec le collectif national des sciences participatives-biodiversité, notamment pour le développement d’un indicateur sciences participatives dans les Outre-mer.
Pour en savoir plus : téléchargez le rapport Premier panorama des sciences participatives dans les territoires d’Outre-mer. Inventaire et caractérisation. et l'infographie de synthèse.
Un annuaire des programmes de sciences participatives en outre-mer est en ligne sur le site du Compteur biodiversité outre-mer, et vous pouvez télécharger le tableau récapitulatif des programmes recensés.