Depuis juillet 2024, « Te Henua Enata - Les îles Marquises » sont inscrites sur la liste du Patrimoine mondial. Joyau naturel et culturel de Polynésie française, l’archipel est l’un des plus sauvages et isolés du monde. Cette reconnaissance par l’UNESCO, en tant que bien « mixte », vise avant tout à sensibiliser les acteurs présents sur le territoire à la richesse singulière de leur patrimoine et à encourager une gestion durable de cet héritage.
Te Henua Enata, la Terre des Hommes
Les Marquises, c’est l’un des cinq archipels de Polynésie française : le plus au nord et le plus isolé. Situé à environ 1 400 km de Tahiti et à plus de 5 000 km de tout continent, l’archipel compte quatorze îles, dont six habitées.
À l’approche des côtes, le paysage est saisissant : des falaises vertigineuses découpent les littoraux, des pitons, des crêtes et des monts s’élèvent, parfois à plus de 2 000 mètres ; la mer semble elle aussi indomptable, sans barrière récifale émergeante ni lagon pour apaiser les eaux qui parviennent jusqu’aux côtes. À terre, les formations végétales sont d’une diversité rare et nombreuses sont les espèces endémiques, uniques au monde. C’est un point chaud de biodiversité, un site qui abrite des écosystèmes marins et terrestres indispensables à la survie d’une faune et d’une flore riches, sensibles et caractéristiques. Un site encore suffisamment épargné des activités humaines pour témoigner des processus écologiques et biologiques naturels qui régissent l’évolution et poussent le monde vivant à s’adapter sans cesse et à se diversifier. Un lieu à préserver, à respecter, à l’image des civilisations locales installées ici depuis plus de mille ans.
Car sur les terres des Marquises, résonne aussi l’Histoire humaine : les pierres chantent encore les traditions et les croyances qui subsistent depuis des siècles ; les constructions en pierres sèches (paepae, tohua et me’ae) racontent les anciennes chefferies ènata, les cérémoniels et l’habitat des hommes et des femmes qui occupèrent les vallées ; le matatiki, cet art si unique de graver sur os, pierre ou bois, révèlent le talent toujours vivace des Marquisiens pour donner un sens artistique au regard qu’ils posent sur ce qui les entoure.
Sculptures, gravures, bas-reliefs, pétroglyphes et tatouages témoignent d’une identité profonde et sacrée, qui relie encore aujourd’hui la communauté marquisienne aux générations d’ancêtres qui l’ont précédée. Les populations ont su s’installer sur ces îles sauvages et éloignées, s’adapter à leur environnement et gérer les ressources terrestres et marines pour constituer une civilisation riche et pérenne. « Te Henua Enata », c’est la Terre des Hommes, c’est cet héritage précieux que la dynamique mondiale actuelle force à protéger.
Des populations ont su s’installer sur ces îles sauvages et éloignées, s’adapter à leur environnement et gérer les ressources terrestres et marines pour constituer une civilisation riche et pérenne. « Te Henua Enata », c’est la Terre des Hommes, c’est cet héritage précieux que la dynamique mondiale actuelle force à protéger.
Un bien inscrit au Patrimoine Mondial
À des milliers de kilomètres de là, à New Delhi, à l’occasion de la 46ème session du Comité du Patrimoine mondial en juillet 2024, la valeur du patrimoine naturel et culturel de « Te Henua Enata - Les îles Marquises » a été reconnu comme exceptionnelle pour l’humanité. Cette inscription à l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) est le fruit d’un travail collaboratif de longue haleine, mené depuis de nombreuses années par les Marquisiens, ainsi que par les institutions polynésiennes et nationales.
Concrètement, sept composantes ont été délimitées sur neuf îles des Marquises : elles constituent les sept ensembles de ce bien dit « mixte », définit sur des critères à la fois naturels et culturels. Chaque île (sauf Ua Pou) est un ancien volcan effondré dont la caldeira principale constitue l’arête centrale et le point de départ du périmètre de chaque ensemble. De part et d’autre des crêtes, les délimitations descendent le long des pentes vers les formations végétales remarquables, notamment des vestiges de forêts sèches ou semi-sèches, et vers des sites archéologiques. Puis, les surfaces inscrites à l’UNESCO s’étalent en mer, tout autour des neuf îles et jusqu’à 3 milles nautiques.
80% du linéaire côtier des îles Marquises est inscrit au Patrimoine Mondial. Les zones marines sont parmi les plus sauvages du monde et présentent une forte productivité primaire associée à une importante biomasse dominée par les grands prédateurs. Un exemple d’écosystème irremplaçable et à ce jour exceptionnellement bien conservé.
80% du linéaire côtier des îles Marquises est inscrit au Patrimoine Mondial. Les zones marines sont parmi les plus sauvages du monde. Un exemple d’écosystème irremplaçable et à ce jour exceptionnellement bien conservé.
Agir pour conserver l’intégrité du bien
Si l'inscription à l'UNESCO n'impose pas de nouvelles réglementations, elle constitue un engagement international et oblige les pays à planifier la gestion des sites pour conserver leur intégrité sur le long terme. Aux Marquises, le mode de vie des quelque 9 000 habitants reste relativement peu impactant pour les écosystèmes naturels, qui sont globalement en bon état, parfois intactes. Mais certaines activités humaines, présentes notamment sur Nuku Hiva et Hiva Oa, exercent des pressions environnementales : pollutions liées à l’assainissement et aux déchets, destruction d’habitats pour l’urbanisation, menaces sur les espèces endémiques dues aux espèces introduites. Bien qu’épargnées du tourisme de masse, les Marquises accueillent tout de même près de 9 000 personnes par an, un afflux dont l’impact constitue aussi un enjeu.
Le plan de gestion 2024-2039, élaboré avec les Marquisiens, vise à réduire les pressions et à favoriser un développement touristique durable, levier majeur pour l’économie locale. L’objectif est de fédérer la population autour de la conservation et de la valorisation de leur patrimoine. Sur chaque île, des ambassadeurs ont été recrutés pour identifier les parties prenantes qui seront représentées au Conseil de Gestion. Cette gouvernance inclusive, délocalisée et évolutive, soutenue par des concertations régulières, devrait garantir que la voix des communautés locales soit pleinement prise en compte.
Près de 30 ans se sont écoulés depuis le lancement en 1996 de la démarche d’inscription à l’Unesco, et depuis son obtention, la mobilisation de moyens opérationnels a été immédiate. Dès 2023, plus de 2 millions d’euros ont été attribués par l’Etat via le Fonds Vert et par les collectivités polynésiennes* à hauteur d’environ 600 K€, soit 21% du coût global du projet) pour déployer le plan de gestion. Actuellement, des concertations sont en cours pour élaborer des Zones de pêche réglementées (ZPR) et assurer une bonne gestion des stocks halieutiques. Un marché est également lancé pour étudier la faisabilité de l’installation de mouillages écologiques et des campagnes de sensibilisation aux oiseaux marins sont entreprises.
Contourner les erreurs du reste du monde. Éviter la destruction de la nature et l’effacement des cultures. Au cœur du Pacifique, les Marquises avancent sur la route d’un avenir durable pour leurs terres. Portées par la force de leur civilisation, leur voile s’emplit aujourd’hui du soutien de la communauté internationale et du souffle d’espoir qu’inspire leur précieuse Histoire.
*financement par le Pays et par la CODIM (Communauté de communes des îles Marquises)
Pour en savoir plus, rendez-vous sur la fiche dédiée du bien des îles Marquises sur le site de l’UNESCO. Vous pourrez y télécharger le résumé analytique, les cartes ou encore le plan de gestion du bien.
Découvrez également le site web dédié à Te Henua Enata – Les îles Marquises, animé par la direction de la culture et du patrimoine (DCP) du gouvernement de Polynésie française.
Présent sur le terrain, l’Office français de la biodiversité (OFB) a coordonné l’élaboration du plan de gestion fournissant un appui technique primordial aux côtés du Pays pour l’inscription au Patrimoine Mondial. Envolez-vous pour le Pacifique à travers la vidéo « Les îles Marquises : entre légende et inscription au patrimoine mondial » publiée par l’OFB. Des informations sur l’action locale de la délégation territoriale OFB sont également disponibles sur le site web OFB rubrique « Sur le terrain ».