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Le Parc naturel régional, un lien entre nature et culture au sein de l’identité martiniquaise

Propos recueillis par Fabien Lefebvre et Nathalie Aubert, Association ACWAA - Publié le 11 avr. 2023
Phaéton à bec rouge et son poussin (*Phaethon aethereus*) - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Phaéton à bec rouge et son poussin (Phaethon aethereus) - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Laurent Louis-Jean, conservateur au Parc naturel régional de la Martinique

Laurent Louis-Jean, conservateur au Parc naturel régional de la Martinique

Créé en 1976, le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM) fait partie des 58 parcs naturels régionaux que compte la France et a été le premier situé en outre-mer sur une île au climat tropical. Monsieur Laurent Louis-Jean nous partage aujourd’hui son rôle et ses missions en tant que conservateur d'espaces naturels protégés et responsable des trois réserves naturelles de Martinique au sein du PNRM.

Q: Laurent, tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots la vocation d’un parc naturel régional ?

Le Parc naturel régional de la Martinique a pour vocation de préserver, faire connaître et valoriser le patrimoine naturel et culturel. Il contribue à faire prendre conscience du lien entre nature et culture au sein de l’identité martiniquaise, accompagne l’aménagement du territoire vers un développement durable, met en avant les savoir-faire locaux et sensibilise les publics à travers l’éducation à l’environnement.

Laurent Louis-Jean et Lévy Maugée – Suivi de la reproduction dans la réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Nathalie Aubert

Laurent Louis-Jean et Lévy Maugée – Suivi de la reproduction dans la réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Nathalie Aubert

Q: Un hotspot est identifié par une richesse importante de faune et de flore, par l'endémisme ou la rareté de certaines espèces et par les menaces d'extinction, à court et à moyen terme, qui pèsent sur elles ou sur leur habitat. Île des Caraïbes, la Martinique est au cœur d’un des 36 hotspots de biodiversité mondiale. En termes de conservation, quel est le rôle du PNRM ?

En plus de faire partie d’un des hotspots de biodiversité, la Martinique fait partie des 100 aires les plus irremplaçables au monde, selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), pour sa biodiversité et son endémisme, grâce à la présence de nombreuses espèces animales et végétales uniques au monde. À travers sa charte, le PNRM œuvre ainsi pour la préservation, la connaissance et la valorisation des milieux naturels, des écosystèmes et de la faune et la flore associées. Il gère de nombreux espaces naturels d’intérêt majeur menacés et protégés, comme les réserves naturelles, les zones humides ou encore des zones forestières ou marines. En parallèle, il met en place des actions en faveur d’espèces patrimoniales et endémiques.

Laurent Louis-Jean – Suivi de la reproduction dans la réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Laurent Louis-Jean – Suivi de la reproduction dans la réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Q: Le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM) est chargé de 3 réserves bien distinctes : la réserve naturelle nationale de la presqu'île de la Caravelle, la réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne et la réserve naturelle régionale marine Albert Falco au Prêcheur. Pourquoi ces réserves ont-elles été créées ? Quels sont les enjeux ?

Les réserves naturelles sont des outils de gestion de milieux exceptionnels mais fragiles. Leur rôle est de protéger les ressources naturelles, les espèces animales et végétales ainsi que le patrimoine géologique, mais aussi de gérer, voire restaurer, les sites remarquables et de sensibiliser les publics.

La réserve naturelle nationale de la presqu’île de la Caravelle, créée en 1976, offre des sentiers de randonnée pédestre au sein de 388 hectares d’une mosaïque de paysages et de points de vue remarquables. La conservation de l’oiseau Moqueur gorge-blanche (Ramphocinclus brachyurus), strictement endémique et menacé d’extinction, est un enjeu majeur. La presqu’île de la Caravelle, l’une des plus vieilles formations géologiques de l’île, témoigne de sa genèse il y a 25 millions d’années. Elle abrite le phare de la Caravelle, culminant à plus de 160 mètres d’altitude, monument historique et phare le plus haut de France.

La réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne, créée en 1995 et cogérée avec l’Office National des Forêts, est un sanctuaire de 5,7 hectares, intégralement protégé pour la préservation d’oiseaux marins qui viennent chaque année y nidifier par milliers. Les principales espèces sont le Paille en queue à bec rouge (Phaethon aethereus), le Noddi brun (Anous stolidus), le Puffin d’Audubon (Puffinus lherminieri), la Sterne bridée (Onychoprion anaethetus) et la Sterne fuligineuse (Onychoprion fuscatus).

Phaéton à bec rouge et son poussin (*Phaethon aethereus*) - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Nathalie Aubert

Phaéton à bec rouge et son poussin (Phaethon aethereus) - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Nathalie Aubert

La réserve naturelle régionale marine Albert FALCO du Prêcheur, créée en 2014, constitue 598 hectares d’une vraie oasis marine qui conserve des espèces emblématiques et des écosystèmes sous-marins remarquables. Par exemple, on y observe de nombreuses populations de dauphins, des baleines à bosse, des tortues marines, des poissons ange, des raies léopard, des pélicans, du corail corne d’élan… mais aussi des sites remarquables comme l’îlet La Perle, les plages de sable noir et les fameux sites de plongée des canyons de Babodi et de la Citadelle.

Une 4ème est en cours de création, la réserve naturelle régionale de la Baie de Génipa, qui préservera les 1 200 hectares de la plus grande mangrove de l’île et une partie de la Baie des Flamands, classée parmi les plus belles au monde.

Gorgone plume ([*Antillogorgia acerosa*](https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/653843)) - Réserve naturelle régionale marine Albert Falco du Prêcheur © Fabien Lefebvre

Gorgone plume (Antillogorgia acerosa) - Réserve naturelle régionale marine Albert Falco du Prêcheur © Fabien Lefebvre

Q: En tant que conservateur d’espaces naturels, quelles sont vos missions au sein du parc ?

Mes missions de conservateur consistent à assurer la gestion technique, administrative et financière des espaces protégés gérés par le PNRM. J’élabore, coordonne et évalue la mise en œuvre de programmes d’études scientifiques et de travaux dans le cadre des stratégies définies dans les plans de gestion de ces espaces protégés. Je valorise la gestion des sites auprès de différents publics et contribue ainsi à la valorisation de l’image de ces sites d’exceptions. Pour cela, je m’entoure d’une équipe de gestion au sein de laquelle j’encadre des collaborateurs : gardiens de l’environnement, agents techniques, chargés d’études, stagiaires…

Observation ornithologique - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne - Laurent Louis-Jean et Lévy Maugée © Fabien Lefebvre

Observation ornithologique - Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne - Laurent Louis-Jean et Lévy Maugée © Fabien Lefebvre

Q: Votre métier implique certaines responsabilités jouant un rôle clef pour la conservation de la biodiversité. Quelles raisons vous ont poussé à choisir cette voie ?

Ayant grandi à la campagne en Martinique, depuis tout jeune, mes parents m’ont transmis l’amour des animaux et plus généralement de la nature. En grandissant, j’ai ainsi tout naturellement développé un profond respect pour l’environnement, une vive envie de contribuer à sa préservation et un besoin de vanter ses qualités. J’ai hésité à me diriger vers le métier de vétérinaire, mais le côté médical ne m’a pas séduit. Je ne m’imaginais qu’au contact de la nature. Les préceptes de l’écologie et de la biologie ont ainsi logiquement guidé ma voie.

Q: Entre le travail au bureau et sur le terrain, comment définiriez-vous votre semaine type ?

L’un des mots-clés qui pourrait caractériser le métier de conservateur est : pluridisciplinarité. Mes semaines ne se ressemblent que très rarement, car les tâches sont variées et évoluent très souvent. Je peux aussi bien passer toute une semaine au bureau à travailler sur les aspects financiers et administratifs, que passer la suivante en mer sur un bateau scientifique. Je peux mener des actions de communication et pédagogiques avec des scolaires ou du grand public, ou encore étudier nos nombreuses espèces animales patrimoniales, sans oublier les sessions de formations permettant de se perfectionner et d’évoluer au gré des nouvelles missions. Je participe aussi aux différentes réunions avec les partenaires et les élus. Chaque matin, c’est un renouveau et je me rends au travail sans aucune lassitude.

Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne – Laurent Louis-Jean et Christophe Auguste © Fabien Lefebvre

Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne – Laurent Louis-Jean et Christophe Auguste © Fabien Lefebvre

Le PNRM a pour vocation d’animer le territoire et d’encourager les Martiniquaises et les Martiniquais à se l’approprier et à en être acteurs.

Q: Vous nous parliez de sensibilisation, comment le parc communique-t-il auprès du grand public ? Des animations sont-elles proposées pour la découverte des richesses et des enjeux de conservation du patrimoine naturel martiniquais ?

Le PNRM a pour vocation d’animer le territoire et d’encourager les Martiniquaises et les Martiniquais à se l’approprier et à en être acteurs. Pour cela, le Parc régional a développé toute une stratégie de communication et d’animation à travers différentes manifestations et a élaboré de nombreux outils pédagogiques. Chaque année, le PNRM organise des randonnées pédestres thématiques inédites sur les sites incontournables et des balades nautiques commentées. Nous participons aux salons et forums environnementaux et nous développons des outils de communication comme : des expositions itinérantes, des espaces muséographiques, des documents et vidéos pédagogiques, mais aussi des « bokantaj » (rencontres) scientifiques. Nous communiquons également par le biais des réseaux sociaux et des médias. Afin de contribuer à l’éducation à l’environnement, le Parc régional complète sa stratégie par l’élaboration de supports pédagogiques ludiques et novateurs comme des boîtes de jeux, des « Koutzié » (affiches coup d’œil) ou encore des visites virtuelles de ses sites emblématiques.

Huitrier d’Amérique ([*Haematopus palliatus*](https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/441966)) – Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Huitrier d’Amérique (Haematopus palliatus) – Réserve naturelle nationale des îlets de Sainte-Anne © Fabien Lefebvre

Q: Est-il possible de s'investir en tant que bénévole pour des missions au sein du Parc ?

Le PNRM se fait un honneur d’impliquer la population dans ses actions et d’accueillir les curieux intéressés par l’environnement, et/ou désireux de se former. Il accueille ainsi chaque année de nombreux stagiaires, que ce soit en découverte ou pour de véritables programmes scientifiques. Il est également possible d’œuvrer aux côtés des agents du Parc en tant que bénévole et ainsi, avoir la chance de côtoyer des espèces patrimoniales, voire rares, et des espaces exceptionnels, parfois interdits au public. Le Parc a par exemple monté la « Brigade Moqueur » constituée de bénévoles mettant la main à la pâte afin de contribuer à la préservation de l’oiseau Moqueur gorge blanche, endémique de Martinique et en danger d’extinction. Soyez les bienvenus au Parc !

Réserve naturelle nationale de la presqu’île de la Caravelle © PNRM – Laurent Juhel

Réserve naturelle nationale de la presqu’île de la Caravelle © PNRM – Laurent Juhel

Pour en savoir plus, consultez le site du Parc naturel régional de Martinique et suivez leurs actualités sur Facebook.

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