Immersion au milieu des raies et des requins de l’océan Indien
Publié le 14 juin 2023Association ARBRE - Agence de recherche pour la biodiversité à la Réunion
L’archipel des Mascareignes constitue l’un des principaux hotspots de biodiversité de l’océan Indien. L’endémisme de ses îles et la biodiversité marine associée font de cette zone un enjeu majeur pour la préservation de la biodiversité au niveau mondial. Soumis à l’impact des activités humaines et au changement climatique, les experts manquent de surcroît de connaissances sur cette biodiversité, ce qui limite fortement les mesures de gestion et de conservation.
Et pourtant, quoi de plus passionnant que d’étudier les emblématiques élasmobranches présents dans l’archipel ? Partons en immersion auprès des raies et des requins de l’Océan Indien, à travers l’objectif des photographes du premier concours d’images sous-marines de la région !
« Tout a débuté par la création, en 2021, de l’Observatoire des élasmobranches au sein de l’Archipel des Mascareignes (MAEO) par l’association ARBRE et l’Université de Maurice. Ce projet, qui émerge dans le cadre du programme INTERREG Océan Indien, constitue le premier projet scientifique et éducatif sur les élasmobranches à l’échelle des Mascareignes. Le projet MAEO vise à apporter de nouvelles données et de nouvelles connaissances sur les populations d’élasmobranches, étudier leur dynamique spatio-temporelle, mais aussi sensibiliser le grand public, dès le plus jeune âge, à ces richesses. »
« L’un des objectifs du projet est de récolter des données, notamment par le biais d’un réseau d'observations des élasmobranches au sein des Mascareignes impliquant l'ensemble des usagers de la mer. Une plateforme en ligne permet de saisir et de recenser les observations réalisées par les usagers de la mer, puis de les visualiser. Cette mise à contribution permet d’impliquer la population et de référencer un maximum d’observations d’élasmobranches. « En mars 2023, plus de 80 participants sont inscrits sur la plateforme éco-participative, et une dizaine participent en nous envoyant directement leurs observations par mail à l’adresse maeoproject@gmail.com, vous pouvez d’ailleurs y participer ! » invite à faire Estelle Crochelet, directrice de l'Observatoire MAEO.»
« Ce ne sont pas moins de 785 observations qui ont été effectuées dans l’archipel entre janvier 2012 et mai 2023, avec le recensement de 8 espèces de raies et 13 espèces de requins sur les 15 espèces de raies et 43 de requins présentes dans l’archipel des Mascareignes. Des raies pastenagues à taches noires (Taeniurops meyeni) et des raies aigles (Myliobatis aquila) ont été observées sur l’ensemble de l’archipel, des requins gris de récif (Carcharhinus amblyrhynchos) ont été observés ponctuellement à Rodrigues et de façon quasi-permanente au Nord de Maurice. Les requins tigres (Galeocerdo cuvier), bouledogues (Carcharhinus leucas) et marteaux halicorne (Sphyrna lewini) ont principalement été observés autour de La Réunion. »
« Des campagnes de terrain d’observations in situ complètent les données du réseau éco-participatif, qui, par nature, dépendent de l'activité des participants et ne sont donc pas homogènes dans l'espace et dans le temps. Le protocole consiste à déployer sur des sites prédéfinis des caméras filmant à 360 degrés, permettant de recenser la présence d’élasmobranches. Ce déploiement de caméras est complété sur certains sites par des plongées d’observation, les plongeurs sont munis de caméras à main, afin d’enregistrer les élasmobranches observés. Au total, 92 observations d’élasmobranches, dont 67 de raies et 25 de requins ont été réalisées par les caméras fixes ou les plongeurs. Ces données sont entrées dans la plateforme éco-participative afin d’être incluses dans les analyses. »
« Les membres de MAEO interviennent dans les écoles en effectuant des présentations sur les espèces de raies et de requins, leur biologie, leur écologie et leur place dans les écosystèmes insulaires de l'archipel. Des ateliers de sensibilisation et d’éducation sont également organisés lors d’évènements ponctuels comme la Journée Mondiale des Océans, la Fête de la Mer et des Littoraux, ou encore la Fête de la Science. »
« La sensibilisation autour de cette faune exceptionnelle passe aussi par la valorisation de ce projet de sciences participatives. L’association ARBRE et les commissions FFESSM « environnement et biologie subaquatiques » et « photo-vidéo sous-marine », en partenariat avec la Réserve Naturelle Marine de La Réunion et Sciences Réunion, ont lancé en juillet 2022 un concours d’images sous-marines sur le thème des « Elasmobranches et grands pélagiques ». Ce concours est le premier concours d’images sous-marines organisé à l’échelle régionale, regroupant tous les pays du bassin Ouest de l’océan Indien. Plusieurs catégories ont été choisies, le concours a réuni 22 participants pour un total de 100 photos. Découvrons ensemble les photos récompensées lors de ce concours. »
« La photo de Gérald Rambert a remporté le premier prix dans la catégorie « expert », avec la photo d’un requin gris de récif (Carcharhinus amblyrhynchos). Cette espèce, classée en danger d’extinction, vit à des profondeurs pouvant aller jusqu’à 280 m. Reconnaissable à sa couleur grise sur le dos et blanche sur la face ventrale, on distingue bien le bord blanc de sa nageoire dorsale et la bande noire au niveau de sa nageoire caudale et de la pointe des autres nageoires. Le requin gris de récif, considéré comme de taille moyenne, apprécie les tombants, les passes, mais aussi les récifs coralliens. »
« C’est la photo en noir et blanc d’une raie manta géante qui a permis à Sophie Rusca d’obtenir le deuxième prix de la catégorie « expert ». Mobula birostris est la plus grande des raies. Elle peut atteindre une envergure impressionnante de 7 m pour un poids de 2 000 kg ! Sa bouche, située sur le devant de la tête, est pourvue de deux mandibules, de part et d’autre. Sa face dorsale dans les tons allant du noir au marron foncé possède des motifs clairs et sombres, ainsi que des taches blanches caractéristiques, bien définies sur les épaules, formant un « T » sombre. Cette espèce, classée vulnérable selon les listes rouges de l’UICN, vit en milieu pélagique jusqu’à 120 m. »
« David Paris a présenté une photographie d’une raie pastenague à taches noires (Taeniurops meyeni). Il a obtenu le troisième prix de la catégorie « expert » avec cette raie classée vulnérable pouvant atteindre 330 cm de diamètre. Sa queue relativement courte est dotée d’un aiguillon. Sa coloration dorsale diffère selon les individus, allant du gris clair au gris foncé, jusqu’à des tons gris-brun ou violacés. Les motifs dorsaux aussi sont très variables avec des taches foncées irrégulières, pouvant aller jusqu’à une coloration noire presque totale, et des mouchetures ou des stries blanches. »
« Dans la catégorie « amateur », cette fois, c’est Pierre Gros qui a obtenu le premier prix en photographiant une raie aigle ocellée (Aetobatus ocellatus). Cette raie peut atteindre 200 cm d’envergure. De couleur gris vert avec de nombreuses taches blanches, cette espèce vulnérable vit dans de nombreux milieux : récifaux, tombant rocheux, milieux pélagiques ou estuariens. On l’observe à des profondeurs comprises entre 20 et 25 m, avec une profondeur maximale de 100 m. Dans la colonne d’eau, elle évolue souvent en groupe. »
« Stella Diamant a obtenu le deuxième prix de la catégorie « amateur » avec sa photo d’un requin baleine (Rhincodon typus). C’est la plus grande espèce de poissons, il peut atteindre une taille maximale de 17 m pour les mâles et 20 m pour les femelles et un poids de 34 tonnes. Son dos gris foncé, possède de nombreuses de taches claires et des lignes horizontales et verticales de couleur blanche ou jaune formant un « damier ». Sa face ventrale est quant à elle blanche. Ce requin est pélagique, souvent observé en surface, mais il peut se retrouver à des profondeurs allant jusqu’à 100 m. Il est présent dans les eaux tropicales et tempérées chaudes de l'Atlantique, du Pacifique et de l'océan Indien. »
« Une seconde photo de raie pastenague à taches noires a permis cette fois-ci à Nicolas Huet de remporter le troisième prix « amateur ». On distingue aisément sur cette photo en noir et blanc, la forme circulaire de cette raie et sa face ventrale blanche avec des marges plus foncées vers les nageoires. La raie pastenague à taches noires vit près du fond sableux des lagons ou en milieu récifal. Même si, généralement, elle vit à des profondeurs comprises entre 20 et 60 m, il est possible de la croiser jusqu’à 500 m de profondeur. »
« Nous avons également souhaité ouvrir les votes au public et aux scolaires dans le cadre de la Fête de la Science. Ce ne sont pas moins de 619 personnes qui ont voté en ligne pour élire leur photographie préférée et Miguel Ramirez a raflé la majorité des suffrages avec la photo d’une raie aigle commune (Myliobatis aquila). Cette raie en danger critique d’extinction a un dos gris foncé à marron, tandis que sa face ventrale est blanche. Sa longue queue noire et fine peut être deux fois plus longue que le corps, et est dotée d’un aiguillon venimeux. Sur cette photo, on peut voir aisément ses larges nageoires pectorales en pointe et son museau terminé par un rostre épais et arrondi, comme un bec de canard. Elle se différencie de la raie aigle ocellée par l’absence de taches blanches sur sa face dorsale. »
« La réalisation du concours photo a été un franc succès et la diffusion des images a ainsi permis de promouvoir et de dynamiser le réseau éco-participatif » se réjouit Estelle Crochelet. Ce concours a permis de faire connaître le projet MAEO et les photographes ont fourni les informations permettant de saisir les observations dans la base de données. La beauté des photographies a suscité un émerveillement général de la part du public, et on les comprend !
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter la page du projet MAEO sur le site de l’association ARBRE.
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