À la découverte des Mollusques de la Martinique
Publié le 25 juil. 2024Caroll-Ann' Portel - Parc naturel régional de la Martinique
La Martinique abrite un grand nombre de Mollusques. Qu’il s’agisse d’escargots, de moules ou bien de pieuvres, on les trouve dans tous les milieux : milieu marin, eau douce et milieu terrestre. Parmi les espèces terrestres, 22 sont endémiques de la Martinique. Au total, plusieurs centaines d’espèces sont recensées sur le territoire, avec une majorité d’espèces marines. Pourtant, malgré leur abondance, ces animaux restent pour beaucoup peu connus. Partons donc à la découverte de quelques unes des espèces de Mollusques de la Martinique !
Quand on dit Mollusques de quoi parle-t-on exactement ? On parle aussi bien de Gastéropodes (escargots, limaces), que de Bivalves (moules, palourdes, etc.), que de Céphalopodes (pieuvres, calmars, etc.). Ce groupe contient des individus de tailles et de formes très diverses. Découvrons donc quelques spécimens martiniquais.
De nombreux Gastéropodes terrestres vivent dans les forêts de la Martinique.
Ici, un Bulime multifascié (Drymaeus multifasciatus) se déplace sur cette branche. Petit escargot subendémique, présent en Martinique et en Guadeloupe, on le rencontre sur les troncs d’arbres, sur les arbustes et sur les plantes basses des forêts humides. Son corps est bleu et sa coquille fine est très colorée. Une variété à la carapace plus claire est présente à la Montagne Pelée (Drymaeus multifasciatus albicans).
La Martinique est l’île des Petites-Antilles la plus riche en mollusques terrestres endémiques : on y recense 22 espèces. L’escargot le plus rare, le Pleurodonte déprimé (Discolepis desidens), vit au sol dans les milieux ombragés des forêts humides. Cependant, il n’est connu que d’une station de très petite superficie. D’ailleurs, il est si rare qu’on le pensait disparu. Classé « Éteint » sur la Liste rouge de l’UICN, sous le nom Pleurodonte desidens, il a été redécouvert par la suite en 2006.
Ce petit escargot à la coquille très fragile mesure à peine 2 cm. Un contrôle de sa présence est effectué chaque année et son habitat semble être stable pour le moment. Toutefois, une perturbation du milieu pourrait impacter l’espèce de façon critique (cyclone détruisant des arbres du site, activités anthropiques, etc.).
Il est désormais classé « en danger critique » (CR) sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées de la faune de Martinique, et reste l’un des escargots les plus rares au monde.
Le Pleurodonte discolor (Pleurodonte discolor) est un autre escargot endémique de la Martinique. On le trouve sur l’ensemble de l’île, dans les forêts mésophiles et hygrophiles – c’est-à-dire les forêts à pluviométrie moyenne et les forêts humides – où il vit à la surface du sol (litière) et sur la végétation basse. C’est une espèce phytophage, qui se nourrit donc de végétaux, à l’activité plutôt nocturne. Sa coquille est généralement brun foncé, mais peut prendre des teintes plus claires.
L’Ambrette rougeâtre (Rhodonyx rubescens) est elle aussi endémique de la Martinique. Mesurant à peine 2 cm, c’est une espèce semi-arboricole, qui peut être observée sur des plantes de différentes familles (broméliacées, héliconia, etc.). Elle possède une coquille fine assez petite, ce qui la rend particulièrement sensible au réchauffement climatique. L’espèce est présente au nord de l’île, dans les forêts humides. Elle est principalement diurne et possède une alimentation microphage, elle se nourrit d’organismes microscopiques.
La Martinique abrite également de nombreuses espèces introduites. Il arrive malheureusement que ces espèces exotiques prolifèrent et deviennent envahissantes.
L’Achatine (Lissachatina fulica), originaire d’Afrique de l’Est, a été introduite sur de nombreux territoires où elle est maintenant invasive. Cette espèce de grande taille, pouvant atteindre 20 cm de long, est omnivore et particulièrement vorace. Elle s’adapte à tous types de milieux, naturels ou modifiés par l’action humaine (anthropisés). Introduite en Martinique vers les années 1980, c’est maintenant une espèce exotique envahissante. Elle est présente dans toutes les communes de l’île, où elle cause des dégâts dans les cultures.
L’espèce est consommée sur de nombreux territoires. Elle peut toutefois être vectrice d’une maladie transmise par Angiostrongylus cantonensis, une espèce de nématode dont elle est l’hôte. La consommation d’individus, s’ils sont porteurs de ces vers et ne sont pas suffisamment cuits, peut provoquer une maladie grave appelée Angiostrongylose. Il est également conseillé de prendre des précautions lorsqu’on manipule les Achatines et les limaces, comme mettre des gants, afin de limiter les risques de transmission.
La Loche des marais (Deroceras laeve) est une petite limace d’environ 2 cm de long, vivant généralement moins d’un an, qui apprécie les milieux humides et milieux anthropisés. L’espèce semble être originaire d’Europe et a été introduite sur de nombreux territoires d’Asie et d’Amérique. Cette espèce omnivore, se nourrissant principalement de plantes et de fruits, peut elle aussi ravager des cultures.
Principalement nocturne, elle se réfugie en journée dans un abri humide et fait intéressant, cette espèce terrestre est capable de rester immerger sous l’eau pendant une courte durée de temps.
D’autres espèces ont été introduites plus récemment sur l’île. C’est le cas de la Limace à crêpe (Leidyula sloanii), introduite en Martinique il y a quelques années. Il s’agit d’une grande espèce, pouvant dépasser 10 cm de long.
Signalée pour la première fois en 2022 sur une commune du nord de l’île, elle est désormais présente dans plusieurs autres communes. L’espèce, probablement originaire de la Jamaïque, a été introduite sur plusieurs îles de la Caraïbe et sur le continent nord-américain. Elle est considérée comme nuisible pour les cultures sur certains territoires tels que la Floride. En Martinique, sa détection étant récente, il est difficile de connaître son impact réel sur les cultures, bien que des dégâts aient été signalés par des particuliers.
De nombreuses espèces de mollusques terrestres peuvent être observées sur l’île. Toutefois, il existe une diversité d’espèces bien plus importante dans les milieux aquatiques (eau salée, eau douce et saumâtre).
Faisons donc maintenant un tour dans l’eau pour rencontrer la Physe marmoréenne (Stenophysa marmorata). Il s’agit d’un petit escargot d’environ 2 cm, qui vit en eau douce (ravines, mares, etc.). Microphage et détritivore, il se nourrit, entre autres, d’algues microscopiques et de débris végétaux. C’est un gastéropode hermaphrodite, capable de se reproduire par parthénogénèse. Les individus peuvent donc se reproduire seuls, sans fécondation. Présente aux Antilles et en Amérique du Sud, l’espèce est indigène en Martinique.
La plupart des espèces de mollusques présentes en Martinique sont des espèces marines.
Le Lambi (Aliger gigas), est un gastéropode marin présent au Brésil, aux Bermudes et dans toute la zone Caraïbe. Il fréquente les zones sableuses et les herbiers, où il se nourrit d’algues, de phanérogames et de débris organiques. Malgré sa coquille épaisse, il possède des prédateurs tels que les tortues marines, les poulpes, ou les raies.
À l’âge adulte, il possède une coquille caractéristique, autrefois utilisée comme moyen de communication. Aujourd’hui, elle est utilisée comme instrument de musique.
Le Lambi est un aliment typique de la cuisine créole, largement consommé, et ce, sous différentes formes. La capture de l’espèce est donc réglementée : la pêche est interdite d’avril à juin, durant sa période de reproduction, et en dehors de cette période, la pêche est limitée aux individus adultes dépassant une taille et un poids précis.
La Monnaie Caraïbe à ocelles (Cyphoma gibbosum) vit dans les récifs coralliens, où elle se nourrit exclusivement de gorgones. Elle mesure environ 3 cm de long et possède une coquille enveloppée dans une chair fine, très colorée et couverte de taches orangées.
Les tissus des gorgones dont elle se nourrit contiennent des substances toxiques qu’elle peut assimiler et utiliser à son avantage. Elle possède donc peu de prédateurs. Toutefois, l’espèce est vulnérable face au réchauffement climatique, qui impacte les gorgones dont elle dépend.
L’espèce doit son nom au fait qu’autour du 17e siècle, sa coquille était utilisée comme monnaie d’échange aux Antilles par les populations indigènes.
Plusieurs dizaines d’espèces de limaces de mer, de différentes couleurs et différentes formes, sont recensées en Martinique.
La Limace de mer frisée (Elysia crispata) est la plus commune en Martinique. Pouvant atteindre 10 cm de long, elle possède des papilles dorsales en forme de rubans ondulés. Ces papilles peuvent être de différentes couleurs selon l’individu (verts ou plus rarement bleus, avec parfois des liserées jaunes ou rouges) et elles lui permettent de se camoufler dans son milieu. On rencontre cette limace dans les herbiers, au milieu des algues ou dans les zones rocheuses.
Plus d’une centaine de mollusques bivalves sont présents dans les eaux martiniquaises. Cela comprend aussi bien des espèces marines, que des espèces d’eau douce et d’eau saumâtre.
Une espèce d’eau saumâtre a été introduite en Martinique : la Moule d’Amérique (Mytilopsis leucophaeata). Originaire d’Amérique du Nord, elle a été introduite dans de nombreux territoires via le transport maritime.
Comme la plupart des bivalves, ces animaux sont des filtreurs microphages. Ils se nourrissent d’organismes en suspension tels que les microalgues.
Les eaux de l’île abritent également une diversité de mollusques céphalopodes tels que les calmars et les poulpes.
Le Poulpe commun (Octopus vulgaris) fréquente les substrats rocheux côtiers, mais peut se trouver au niveau de fonds sableux, vaseux ou des herbiers. Il est carnivore et se nourrit principalement de crustacés et de mollusques gastéropodes ou bivalves.
Comme de nombreux céphalopodes, le Poulpe commun, connu sous le nom de Chatrou en Martinique, possède une « poche du noir ». En cas de danger, il peut émettre un « nuage d’encre » provenant de cette poche et composé d’un mucus mélangé à un pigment. C’est une défense qui lui permet de fuir ses prédateurs en étant dissimulé.
Il est également capable de se camoufler de façon remarquable. Il combine une posture, une texture cutanée et une couleur qu’il adapte à son environnement. Pour cela des cellules pigmentées dans la peau lui permettent de prendre différentes couleurs – généralement brun, mais parfois jaune, orange ou rouge – et présenter différents motifs.
Pour en savoir plus, vous pouvez retrouver des informations intéressantes dans cet ouvrage : Mollusques continentaux de la Martinique. N’hésitez pas à consulter les fiches Mollusques du site de l’Observatoire martiniquais de la biodiversité et l'article sur les limaces de mer de Martinique dans le cadre du projet Madibenthos.
Relecture : R. Delannoye, A. Wagner
Le portrait de la Martinique !