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reportage Martinique

Exploration des richesses de la biodiversité martiniquaise

Publié le 26 oct. 2023
Oursin crayon (*Eucidaris tribuloides*) aux couleurs arc-en-ciel, exposé aux jardins du Luxembourg à Paris dans l'exposition “Outre-mer grandeur nature” en 2021 © Fabien Lefebvre

Oursin crayon (Eucidaris tribuloides) aux couleurs arc-en-ciel, exposé aux jardins du Luxembourg à Paris dans l'exposition “Outre-mer grandeur nature” en 2021 © Fabien Lefebvre

Nathalie Aubert & Fabien Lefebvre, Association ACWAA

Nathalie Aubert & Fabien Lefebvre, Association ACWAA

La Martinique est d’une grande richesse, aussi bien en termes de biodiversité terrestre que marine. Reconnue par l’UNESCO comme réserve mondiale de biosphère en 2021, au regard de ses nombreuses espèces endémiques et de ses habitats naturels, elle compte aujourd’hui des sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Les volcans et les forêts de la montagne Pelée et les pitons du nord de la Martinique ont reçu le 16 septembre 2023 ce titre prestigieux, reconnaissant ainsi la valeur du patrimoine naturel martiniquais. Partons à la découverte de quelques-unes des richesses de cette île.

Colibri à tête bleue femelle (*Cyanophaia bicolor*) © Fabien Lefebvre

Colibri à tête bleue femelle (Cyanophaia bicolor) © Fabien Lefebvre

Si vous arpentez les massifs de la montagne Pelée et des Pitons du Carbet, en prêtant l’oreille et en observant attentivement, vous aurez peut-être la chance de voir le colibri à tête bleue (Cyanophaia bicolor). Vivant aux abords des forêts humides des îles de la Martinique et de la Dominique, à moyenne et haute altitude, cette espèce connaît un dimorphisme sexuel important. Les mâles sont presque entièrement bleu-vert, tandis que les femelles possèdent un plastron blanc. Ce colibri, comme la plupart de ses comparses, passe une grande partie de sa journée à se nourrir de nectar, mais aussi de petits insectes. Durant la période de reproduction, d’avril à juin, la femelle pond ses œufs, généralement deux, dans un nid qu’elle a confectionné avec des fibres végétales et qu’elle a camouflé à l’aide de lichens. Cette espèce est considérée comme étant peu adaptée aux milieux anthropiques et sensible aux changements climatiques, elle a donc été classée « en danger d’extinction » sur la liste rouge de l’UICN et elle bénéficie d’un statut de protection en Martinique.

Moqueur à gorge blanche (*Ramphocynclus brachyurus brachyurus*) © Fabien Lefebvre

Moqueur à gorge blanche (Ramphocynclus brachyurus brachyurus) © Fabien Lefebvre

La Martinique comporte de nombreuses populations d’oiseaux, environ 233 espèces, dont 217 indigènes : phaéton à bec rouge, phaéton à bec jaune, sterne, huîtriers d’Amérique, bécasseaux, puffin, frégate, fou, pluvier, aigrette, crabier, noddi brun... Pour suivre les populations d’oiseaux communs, le STOC-EPS (Suivi Temporel des Oiseaux Communs – Échantillonnage Ponctuel Simple) a été mis en place. Ce protocole, réalisé en Martinique depuis 2012 et mené chaque année, permet d’évaluer l’état des populations et les variations spatiales et temporelles de l’abondance des populations.

La Martinique compte des espèces d’oiseaux strictement endémiques, comme le carouge ou le moqueur à gorge blanche (Ramphocynclus brachyurus). Cette dernière possède une sous-espèce Ramphocynclus brachyurus brachyurus qui est circonscrite presque exclusivement à la presqu’île de la Caravelle. Le moqueur à gorge blanche en danger d’extinction est pourtant protégé depuis 1989. Il reste très vulnérable à la perte de son habitat ainsi qu’à la prédation de ses œufs par des espèces exotiques envahissantes (rat, mangouste). L'île possède aussi des espèces dites subendémiques : le colibri à tête bleue (endémique de la Martinique et de la Dominique) ou encore le Trembleur gris (endémique de la Martinique et de Sainte-Lucie).

Matoutou falaise (*Caribena versicolor*) © Fabien Lefebvre

Matoutou falaise (Caribena versicolor) © Fabien Lefebvre

Les forêts humides du nord de la Martinique sont aussi le terrain de chasse de cette mygale arboricole. La mygale de Martinique appelée Matoutou falaise (Caribena versicolor) est endémique de l’île. D’une taille pouvant aller jusqu’à 10 cm, elle se caractérise par ses couleurs : un abdomen rouge vif, des pattes aux soies roses ou rouges et un thorax bleu-vert. Les jeunes sont eux couverts de soies bleutées, parures qu’ils perdront au bout de quelques mois. Prédatrice nocturne, elle se nourrit principalement d'insectes et est inoffensive pour l'Homme. Les femelles peuvent vivre une dizaine d’années, tandis que les mâles quelques mois, ne survivant pas à la période de reproduction. Longtemps prélevée, notamment par les terrariophiles et les collectionneurs, l’espèce est protégée depuis 2017 au niveau national. Sa détention ou encore sa perturbation intentionnelle dans le milieu naturel sont, entre autres, illicites.

Trigonocéphale connu aussi sous le nom de Bothrops fer-de-lance (*Bothrops Lanceolatus*) © Fabien Lefebvre

Trigonocéphale connu aussi sous le nom de Bothrops fer-de-lance (Bothrops Lanceolatus) © Fabien Lefebvre

En continuant à arpenter les milieux naturels martiniquais, il est possible que vous rencontriez ce serpent, le seul serpent venimeux de la Martinique. Suscitant la crainte et soumis à des primes à la capture sur l’ensemble du territoire pendant plusieurs années, le trigonocéphale (Bothrops lanceolatus) a pratiquement disparu de l’île. Classé en danger d’extinction, ce serpent endémique de la Martinique, bénéficie aujourd’hui d’un statut de protection. De nature calme, il peut être agressif et mordre s’il se sent menacé. Ce serpent fréquente principalement les plantations et les forêts où il se nourrit de petits vertébrés, oiseaux ou mammifères.

Iguane des Petites Antilles (*Iguana delicatissima*) © Fabien Lefebvre

Iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima) © Fabien Lefebvre

En Martinique, vous pouvez aussi apercevoir des iguanes, comme celui-ci observé dans le nord de la Martinique. Soumis à de nombreuses pressions, la grande majorité de la population de Martinique se situe sur l’îlet Chancel. En effet, l’Iguane des Petites Antilles (Iguana delicatissima), autrefois présent sur tout le nord des Petites Antilles, depuis Anguilla jusqu’à la Martinique, a aujourd’hui disparu de nombreux territoires. L’espèce subsiste encore en Guadeloupe, en Martinique, en Dominique, à St Eustache, à St Barthélemy et Anguilla, mais elle est considérée comme étant en danger critique d’extinction. Sa survie est notamment menacée par l’introduction de l’Iguane commun (Iguana iguana), dont la compétitivité reproductrice est supérieure.

Reconnaissable à sa couleur verte pour les femelles et gris-brun pour les mâles, la tête de l’Iguane des Petites Antilles tire sur le blanc. L’Iguane commun quant à lui se reconnaît aux rayures sombres sur la queue et à sa grosse plaque ronde et blanche sur la joue, sous le tympan, que ne possèdent pas l’Iguane des Petites Antilles. Herbivores, ils se nourrissent de feuilles, de fleurs et de fruits. L’Iguane des Petites Antilles, espèce protégée, fait l’objet d’un Plan national d’action (PNA) depuis 2011, dont les objectifs sont de développer les connaissances, préserver et améliorer la communication autour de la protection de cette espèce. Ce PNA est associé à un Plan de lutte contre l’invasion de l’Iguane commun.

Forêt humide aux Pitons du Carbet © Fabien Lefebvre

Forêt humide aux Pitons du Carbet © Fabien Lefebvre

L’inscription des « Volcans et forêts de la Montagne Pelée et des Pitons du Nord de la Martinique » comme « Merveille du Monde » sur la Liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO est une reconnaissance supplémentaire en faveur des espaces naturels martiniquais. Cette décision, annoncée le 16 septembre 2023, met en lumière les richesses en termes de géodiversité et de biodiversité de la montagne Pelée et de ses forêts et des pitons du nord, dont les Pitons du Carbet, le Morne Jacob et le Mont Conil. En effet, ces sites, nés de phénomènes volcaniques et géologiques exceptionnels, hébergent des espèces faunistiques et floristiques importantes à l’échelle mondiale. Cette candidature, portée par le Parc naturel régional de la Martinique pour le compte de la Collectivité territoriale de Martinique, avec le soutien de l'État, a permis l’inscription du 7ème bien naturel français au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Limace de mer frisée (*Elysia crispata*) © Fabien Lefebvre

Limace de mer frisée (Elysia crispata) © Fabien Lefebvre

La faune et la flore marine de Martinique sont aussi d’une grande richesse et d’une grande diversité. Ici, la limace scarole (Elysia crispata), de toute beauté, que l’on croise souvent dans les Antilles ! On peut facilement la dénicher au milieu des algues et des herbiers, ainsi que dans les zones rocheuses. Pouvant mesurer jusqu’à 10 cm, celle qui a été observée ici ne faisait pas plus de 2 cm. Cette espèce présente des papilles dorsales en forme de rubans ondulés qui lui donne sa forme si caractéristique.

Les écosystèmes marins martiniquais sont certes riches, mais ils sont soumis à de nombreuses pressions, notamment humaines. La surpêche, les espèces envahissantes, le réchauffement climatique, l’aménagement des zones côtières sont autant de pressions entraînant de lourdes conséquences sur le milieu, d’où la nécessité de créer des statuts de protection.

Disque portugais (*Chaetodipterus faber*) © Fabien Lefebvre

Disque portugais (Chaetodipterus faber) © Fabien Lefebvre

En 2017, le Parc naturel marin de la Martinique, géré par l’Office français de la biodiversité, a été créé. Son emprise étant équivalente à l’ensemble de l’espace maritime sous juridiction française, c’est-à-dire jusqu’à la limite de la zone économique exclusive (ZEE), le PNMM couvre une superficie d’environ 48 900 km². Ce Parc marin a pour objectifs d’améliorer la connaissance du milieu marin et sa protection, mais aussi de veiller au développement durable des activités maritimes.

Ce sont plus de 300 espèces de poissons côtiers et de nombreux poissons pélagiques qui sont présents dans les eaux martiniquaises. Les espèces comme le perroquet bleu, le zawag flamand, le zawag bleu, le baliste royal, les poissons anges et le platax sont des espèces emblématiques, d’intérêt patrimonial pour la Martinique. Il s’agit pourtant d’espèces vulnérables, comme le disque portugais (Chaetodipterus faber), seul représentant des platax dans la zone caraïbe. En Martinique, les grands bancs ont quasiment disparu du fait de la pression de la pêche.

Dauphin tacheté pantropical (*Stenella atenuatta*) © Fabien Lefebvre

Dauphin tacheté pantropical (Stenella atenuatta) © Fabien Lefebvre

Le Parc naturel marin travaille main dans la main avec le Sanctuaire Agoa (du nom de la déesse de la Mer dans la mythologie Arawak). Créé afin de protéger les mammifères marins ainsi que leurs habitats, il s’étend à l’ensemble des eaux sous juridiction française de toutes les Antilles françaises, soit les zones économiques exclusives de Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Guadeloupe et Martinique. En Martinique, on peut observer environ une vingtaine d’espèces de cétacés, dont le dauphin tacheté pantropical (Stenella atenuatta). Ce dauphin résident est l’une des espèces les plus communes du Sanctuaire. Il vit aussi bien le long des côtes qu’au large et se nourrit essentiellement de poissons. Reconnaissable à ses bandes claires au bord des lèvres et à sa face ventrale claire tachetée de sombre, le dauphin tacheté pantropical est très actif et il n’est pas rare de le voir faire de grands sauts hors de l’eau. Quasi menacée en Martinique selon la Liste rouge de l’UICN, cette espèce est soumise à des pressions anthropiques diverses : whale watching, pollution, dérangement acoustique, etc.

D’autres espèces, qualifiées de « géants des mers » peuplent les eaux du Sanctuaire. La baleine à bosse (Megaptera novaeangliae), grande migratrice, profite des eaux calmes et chaudes pour se reproduire et mettre bas de janvier à mai. La quiétude est donc de mise pour cette espèce emblématique. Chez les cachalots (Physeter macrocephalus), les femelles et les jeunes sont résidents, ils fréquentent nos eaux toute l’année. Les grands mâles eux, migrent vers les latitudes plus élevées où leur nourriture abonde.

Tortue verte (*Chelonia mydas*) © Fabien Lefebvre

Tortue verte (Chelonia mydas) © Fabien Lefebvre

La tortue verte (Chelonia mydas) est l’une des espèces de tortues marines qui fréquentent les eaux de Martinique. Si elle est régulièrement observable dans l’eau, en alimentation sur les herbiers, elle ne pond que rarement sur les plages de Martinique. Généralement, une fois adulte, elle quitte l’île pour migrer vers des zones de reproduction, tel que la Guyane ou le Brésil. On dénombre 4 autres espèces sur l’île, la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata), la tortue luth (Dermochelys coriacea), relativement communes, et la tortue olivâtre et la tortue de caouane, plus rarement observées. Comme toutes les espèces de tortues marines, elle est menacée d'extinction, notamment en raison des captures accidentelles dans les filets de pêche et la dégradation des sites de ponte. Le dérangement répété par les baigneurs peut également occasionner une forte dépense d’énergie pour les tortues, c’est pourquoi il est recommandé de garder une distance minimum de quelques mètres et de ne pas tenter de les toucher.

Corail (espèce non identifiée) © Fabien Lefebvre

Corail (espèce non identifiée) © Fabien Lefebvre

Des communautés coralliennes sont présentes sur les fonds de l’île de la Martinique. Au total, ce ne sont pas moins de 40 espèces coralliennes qui ont été recensées dans les eaux de l’île. Les coraux constituent une richesse extraordinaire, d’une grande valeur écologique, servant d’habitat, de frayère, de nurserie pour de nombreuses espèces, mais aussi assurant un rôle de protection naturelle des côtes. Les récifs coralliens constituent l’un des écosystèmes les plus diversifiés et les plus productifs au monde. Cependant, selon l’IFRECOR, 27% des coraux martiniquais seraient dégradés. Soumis à de nombreuses pressions anthropiques, une maladie corallienne s’y est ajoutée depuis quelques années, la SCTLD (Stony Coral Tissue Loss Disease). La propagation de la maladie est extrêmement rapide et mortelle pour la plupart des colonies affectées.

Pélican brun (*Pelecanus occidentalis*) © Fabien Lefebvre

Pélican brun (Pelecanus occidentalis) © Fabien Lefebvre

Cet oiseau marin de Martinique, plutôt massif, est un pélican brun (Pelecanus occidentalis). L’espèce, en bout de chaîne alimentaire, a été grandement victime de divers types de pollutions dues à la bioaccumulation, et a beaucoup souffert de la chasse, entrainant un déclin drastique de sa population. Ce pélican, protégé depuis 1989, est de retour sur l’île depuis quelques années et est observé toute l’année. Comme de nombreux pélicans, le pélican brun se caractérise par un long bec muni d’une poche volumineuse. Pouvant engloutir jusqu’à 13 litres d’eau, cet oiseau est un excellent pêcheur qui consomme préférentiellement des poissons. Il a la capacité de boire de l’eau salée en rejetant le sel par des glandes situées sur la partie antérieure de ses yeux.

Crabe violoniste (*Minuca rapax*) dans la mangrove devenue rose © Fabien Lefebvre

Crabe violoniste (Minuca rapax) dans la mangrove devenue rose © Fabien Lefebvre

Les zones humides, terres inondées ou gorgées d’eau au moins une partie de l'année, comprennent les plaines inondées, les mares, les étangs, les mangroves, ces dernières étant caractéristiques du littoral des zones tropicales. À l’interface entre terre et mer, les mangroves sont des écosystèmes, tout comme les récifs coralliens, parmi les plus productifs au monde. Ces forêts tropicales, constituées de palétuviers les pieds dans l’eau salée, abritent de nombreuses espèces de poissons, de crustacés, de mollusques, mais aussi d’amphibiens et d’oiseaux. Ce sont des lieux de nurserie, de refuge, mais aussi d’alimentation pour la biodiversité. En Martinique, les mangroves représentent un linéaire côtier de 40 km. Ce sont des habitats fragiles et soumis à de fortes pressions. Ils sont aussi soumis à des phénomènes naturels, tels que le bloom de la microalgue de couleur rose Dunaliella salina, qui se développe dans les milieux salins. Sous de fortes chaleurs, l’eau douce des mangroves s’évapore et la concentration des sels minéraux restant favorise le développement de cette algue qui donne une couleur rose à l’ensemble du milieu. Les crabes violonistes (Minuca rapax), dotés d’une pince proéminente, ne semblent pas s’en offusquer.


Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver ACWAA sur leur page Facebook. Nous vous invitons aussi à consulter les pages du Parc régional de la Martinique, de l’Observatoire martiniquais de la biodiversité, du Parc naturel marin de la Martinique et du sanctuaire AGOA.

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